Archives de catégorie : Transatlantique

Transatlantique J9

On se réveille le matin avec, enfin, un peu de vent, après une nuit à l’arrêt. On ne va alors pas tarder à mettre notre Blue Water Runner, une voile qui en fait deux et qui permet d’avancer avec le vent venant complètement de l’arrière. On avancera avec elle toute la journée, à petite vitesse mais c’est déjà ça ! Sinon, hier soir, Duccio ne s’est pas réveillé pour sa watch pour la deuxième fois de suite, et s’est donc fait gronder. On va essayer ensemble d’utiliser le sextant mais ce sera un échec, aucun calcul vraiment compliqué mais des recherches dans les tables assez longues. On pêchera une dorade que je découperai comme un chef et qu’on mangera à midi. Duccio avait essayé de la couper avant moi mais ce n’était pas son jour, c’est son doigt qui y est passé ! De nouvelles petites tensions vont ressurgir, probablement à propos de l’implication dans la cuisine. La vie à bord comme ça, il faut la gérer ! Ainsi, à priori, on peut jeter tout ce qui est biodégradable par-dessus bord. Ils ont donc interprété qu’on peut tout jeter sauf les plastiques. Ça nous fait un peu mal au cœur, surtout quand ils jettent aussi des plastiques quand ils sentent trop mauvais, mais on ne rentre pas dans le conflit.

Sinon, journée classique dans l’Atlantique, beaucoup de soleil, baleines, banc de poissons volants, joli coucher de soleil,… On devrait toucher les vrais alizés demain, d’ici là, on fait environ 4 nœuds avec 8 nœuds de vent.

Transatlantique J8

Peu de vent en effet aujourd’hui, on doit négocier avec un petit 5 nœuds toujours dans le nez. Le quart de 3h du matin hier n’a pas été facile, je luttais contre le sommeil et n’avais même plus le courage d’étudier les étoiles. J’avais à peine le courage de regarder les très nombreuses étoiles filantes. Mais ce matin, réveil en fanfare, Mischief, notre adversaire direct est en vue sur le radar ! On essaye toutes nos voiles pour essayer de prendre un peu de vitesse mais on reviendra finalement sur notre foc initial. On le contacte par VHF : ils sont au moteur pour essayer d’aller attraper les alizés plus vite. On sent dans leur voix la fatigue car ils ont été par une route plus nord que nous qui s’est révélée éreintante par des grosses mers et du gros vent mais pas plus rapide apparemment.

On va s’inquiéter pour la première fois de nos stocks de nourriture qui s’amenuisent, dû aussi au fait qu’il faut jeter quelques trucs déjà pourris. On avait appris à une conférence que jeter moins de 10% des provisions était quasi impossible. L’après-midi sera paisible, chacun vaquant un peu à ses occupations. Un tout petit poisson volant va même atterrir sur le bateau, mon premier ! Cette nuit, apprentissage des étoiles, jeux d’échec,… Car on va passer la nuit à l’arrêt, sans voile ni moteur car nous n’avons plus assez de diesel ! Une première pour moi avec le reflet des étoiles dans la mer et un très faible clapot.

Transatlantique J7

Mais ce matin les squalls ne sont toujours pas finies ! Je vais en avoir deux ou trois avec des montées du vent jusqu’à 27 nœuds. Mais ce qui est fou, c’est qu’entre ces squalls, le vent tombe à 8 nœuds, tourne beaucoup et la mer se calme. Donc ça donne envie de relancer toutes les voiles jusqu’au prochain. Fin de matinée, ça a l’air de se calmer et le vent faible permet à tout le monde de recharger un peu ses batteries. Vivement les alizés ! Le reste de la journée sera paisible, avec un petit vent sympa, des dauphins, des baleines,… Juste ce dont on avait besoin après la journee de hier. Steve est en pleine forme et fait même la vaiselle et un bon petit repas, probablement le seul qu’il sait faire mais on note l’effort ! Petite navigation de nuit calme en espérant que les squalls ne se réveilleront pas et demain, journée sans trop de vent normalemenf avant d’enfin toucher ces alizés !

Transatlantique J6

Aujourd’hui, le vent est arrivé ! Mais de face… Donc, on a en moyenne 15 nœuds, je crois, mais qui sont fortement augmentés par des squalls (grains en français). En gros, ce sont des gros nuages, qu’on peut parfois repérer au radar et qui contiennent parfois rien, parfois de la pluie et plus de vent ou parfois plein de vent et de la pluie. Il faut donc toujours faire fort gaffe et anticiper un maximum en réduisant la voilure à temps. Au près, ça rend la vie très dure à l’intérieur du bateau parce qu’on est projetés un peu partout et que dormir plus d’une heure sans se réveiller n’est donc pas évident.

Donc on s’est mis dans un mode gros temps, avec des pauses qui servent à se reposer et des repas faciles lyophilisés. Quand j’arrive pour ma watch du soir, gros squall en cours avec une énorme pluie. Mais après ça, ma watch sera assez calme avec environ 20 nœuds de vent mais des squalls orageux aux alentours. Les suivants ne seront pas gâtés puisque Andrew et Pierre vont se prendre 8 squalls dont un de 40 nœuds avec un empannage sauvage ! Pierre a cru mourir et a eu la peur de sa vie en tout cas. Branle bas de combat dans le bateau avec Steve en slip qui essaye d’arranger ce que Pierre n’arrive pas à faire ou fait mal. Moi, j’entends de ma cabine mais je me dis qu’ils sont assez nombreux sur le pont et qu’il vaut mieux qu’une personne se repose. Je vais, en effet, le lendemain matin prendre une partie de la watch de Steve pour essayer qu’il dorme un peu.

Transatlantique J5

Le vent n’est toujours pas au rendez-vous aujourd’hui ! Mais la journée fut bonne. Posée à faire mes occupations rituelles : apprendre un peu de bateau à Pierre, pêcher une nouvelle dorade, remanger l’ancienne à midi dans une délicieuse salade faite par Andrew, le chef du bateau. La tension est déjà tombée mais on attend le vent avec impatience. Il devait arriver le soir mais non. Peut-être cette nuit. Duccio nous a préparé une lasagne façon la Gran Mama. Un magnifique coucher du soleil terminera la journée en beauté.

Transatlantique J4

Toujours le moteur aujourd’hui, et toute la journée malheureusement. On essayera les voiles, une fois ou l’autre, mais sans grand succès. J’ai la watch du matin (de 9h à 12h) et c’est la meilleure parce que tout le monde est actif le matin et que l’après-midi, je suis content d’avoir un peu de temps pour moi. On va avoir, durant toute la journée, des squalls, c’est-à-dire des petits grains, qui peuvent être très forts avec de la pluie. On va en éviter pas mal (on sait les repérer au radar) mais on va quand même en prendre certains sur la tête qui nous permettront d’avoir une bonne douche d’eau claire dans une bonne ambiance. L’après-midi, je vais faire mon espagnol dans ma cabine et une petite sieste et Pierre me réveille parce qu’ils sont en train de changer une drisse. Une nouvelle drisse installée avant le départ était trop fine et posait problème. Petit hot dog pas sain à l’anglaise préparé par Pierre, à midi. En préparant le repas, Pierre me fait part de ses premières impressions de petites tensions dues au capitaine qui aime bien faire des remarques qui ne mettent pas nécessairement à l’aise et je suis d’accord avec lui. Mais on en discute et on sait que c’est inévitable et que c’est le genre de choses les plus difficiles que l’on va devoir gérer : rester à 6 sur un bateau 3 semaines. Mais l’ambiance est toujours bonne, surtout avec Duccio, et on finira cette journée un peu vide d’événements en mangeant une partie du poisson. On a hâte de mettre les voiles pour éviter aussi ce genre de tensions mais on va probablement devoir un peu attendre. En plus, le pilote automatique fait un peu des siennes, on est peut-être dans une zone magnétique bizarre de la terre (c’est en tout cas ce que me dit mon smartphone). Première watch de nuit avec la lune pour la première fois, c’est sympa aussi, et quelques étoiles filantes. Seconde partie de nuit : de 3 à 6h, pas la plus facile ! Et pour faire passer le temps, on s’apprend mutuellement le français et l’espagnol avec Duccio.

Transatlantique J3

Le vent est tombé aujourd’hui, on va donc passer une grande partie de la journée au moteur. Mais pour agrémenter un peu le tout, on aura la présence des principales occupations de l’océan ! Tout d’abord, un beau lever de soleil propice aux photos ! Ensuite, on va voir nos premières baleines… Et ce n’est même pas moi qui vais les voir mais notre ami très expérimenté, Pierre. Trois, quatre, qui, contrairement aux dauphins, se languissent doucement le long du bateau. Mais contre toute attente, elles sont assez petites, en fait. On venait de parier, Ducio et moi, que le premier qui verrait une baleine pourrait manger le premier poisson pêché, mais pas celui qui n’aurait pas vu la baleine. Comme ce n’est aucun de nous deux qui l’a vu en premier, nous annulons le pari. Car bien vite vient le premier poisson. On n’a pas réussi à l’identifier et c’était probablement un bébé car il n’était pas bien grand. Il est quand même plus grand que tout ce que j’ai jamais pêché et on le coupe avec soin.

Mais le deuxième poisson va vite être attrapé et celui-ci sera un vrai poisson d’océan ! Rick va commencer une bataille d’une quinzaine de minutes pour essayer de le fatiguer et d’arriver à remonter la canne à pêche. Ce sera une belle dorade, d’environ 90 cm et 2 kg. Sa découpe va transformer le bateau en abattoir mais on est tous contents d’avoir du poisson frais à manger.

La troisième occupation sera deux groupes d’une dizaine de dauphins venant jouer avec le bateau pendant un bon petit temps. Ça n’a pas l’air d’être les mêmes dauphins que par chez nous mais ils sont tout aussi joueurs et gracieux. On verra aussi des poissons sauter à la verticale au loin, peut-être pour essayer d’échapper aux dauphins. La nuit sera très étoilée et on fera un petit repérage des étoiles dont trois planètes alignées, Mars, Saturne et une autre. Sinon, le temps de pause passe assez vite, les watchs parfois un peu moins. Je suis avec Duccio et Rick. Et bien content d’être avec Duccio, un très bon gars mais un peu dommage de ne pas avoir Pierre. Sinon on prend un peu le rythme et j’essaye de me forcer à faire mon espagnol, à lire 60 pages de mon livre de météo et à écrire ces petits messages. Au niveau de la navigation, on a des dépressions autour de nous et on traverse une passe sans vent pour essayer d’aller attraper les alizés au plus vite.

Transatlantique J2

Réveil pour moi vers 9h : après ma watch de 3 à 6h, pas le plus facile. On commencera aujourd’hui à prendre plus un rythme de quart et à avoir un peu de temps pour chacun. Premier petit check des étoiles la nuit.

Transatlantique J1

Grand jour du départ ! La veille on s’était fait, les trois jeunes, des grosses réserves de Snacks (lion, bounty, dinosorus, kinder,…) au cas où on allait crever de faim ! Et on s’était fait un petit goûter à la boulangerie. J’avais pas lésiné sur trois viennoiseries, un chocolat fondu et un café.

Il faut savoir que ma réputation de petit mangeur a changé ! Depuis que j’ai arrêté mon trek, je mange vite et comme un ogre… Peut-être que mon corps a besoin de compenser ce qu’il a perdu.

Bref, rasés de presque près, on remplit une dernière fois notre réservoir d’eau, lave les derniers trucs et on est prêts à partir.

Pierre croise une dernière fois, Elise, la future femme de sa vie. Mais partir de Las Palmas n’est pas chose aisée. Il y a deux cents bateaux qui veulent partir en même temps. On attend donc sagement en applaudissant les voiliers qui passent et qu’on connaît.

En particulier Ah Noi, un bateau italien, dont l’équipage, qui ne va jamais dormir avant 4h du matin, ne sait pas parler anglais et dont les seuls contacts qu’on a avec eux sont des grands cris « Ah Noi » quand ils passent.

On finit par partir du port, on se fait applaudir par une foule à la Vendée Globe et on s’élance dans le petit temps vers la ligne de départ, qu’on a probablement coupée trop tôt car on n’avait pas trouvé le bateau-comité qui faisait la ligne avec un gros bateau militaire. On avance une petite heure avant que la plupart de la flotte lance ses genakers et autres voiles d’avant. C’est impressionnant de voir autant de bateaux partir pour si longtemps et qui se challengent un peu tous. On arrive alors dans une zone d’accélération des vents due à la présence des îles et on décide de lancer notre Blue Water Runner, une voile d’avant qui ressemble à deux grands génois à l’avant du bateau et qui permet de ne pas mettre sa grand voile.
On a une bonne vitesse et cette voile permet d’aller plein vent arrière et donc dans un meilleur cap que les autres. Tout va bien jusque quand la nuit arrive. J’avais la chance de faire le premier quart, mais le vent avait sérieusement augmenté et on se retrouvait avec un vent de 20 nœuds forcissant à 25. Je me sentais en régate, avec une moyenne d’un bon 10 nœuds et des surfs jusqu’à 13 nœuds. Mais ce n’était pas facile à tenir avec une mer formée et pas mal d’objets volant dans tout le bateau. Jusqu’à ce qu’une vague me pousse au tas, sans que je puisse rien faire. J’arrive tant bien que mal à rétablir le bateau. Pierre, qui dormait dans le carré, se fait éjecter de son fauteuil et Steve décide alors de suite d’affaler la voile. J’avoue que j’étais un peu tremblant… En régate ok mais ici, en croisière, dès le premier jour, ça promet ! Il faut savoir que c’était la première fois qu’ils l’utilisaient, et affaler la voile dans ces conditions fut assez épique, à trois devant, dont deux plutôt corpulents qui tiraient de tout leur poids pour faire descendre la voile qui ne s’était pas complètement enroulée comme elle le devait. Finalement, on réussit à l’affaler et on terminera la nuit sous un foc seul mais à du 7 nœuds tout de même et dans une mer agitée, donc personne ne dormira très bien. Pierre sera même fort malade, première nuit en mer agitée, inévitable. On verra aussi la terre pour une dernière fois avant longtemps et je reconnais même, avec nostalgie, quelques montagnes que j’ai traversées.